top of page

Elle sanglote, le visage caché entre ses mains « Non non non…ce n’est pas possible, pas lui ! »

La jeune femme  n’en revient toujours pas du verdict qui vient de tomber : Donald Trump est élu président des États-Unis. Il est environ trois heures du matin, les quelques passagers du métro en direction de Brooklyn restent silencieux. Des adolescents, casquette « Hillary President » vissée sur le crâne discutent religieusement de cette nuit improbable. À ce même moment, à quelques mètres au-dessus de leur tête, Donald Trump monte sur la scène de son QG installé dans l’hôtel Hilton. Entouré de sa famille, de Mike Pence et de ses généraux, celui dont tout le monde prévoyait la défaite se lance dans son discours de victoire.

​

Quelques jours plus tôt, le sociologue Michael Kimmel, auteur du livre « Angry White Men : American masculinity at the end of an era » le certifiait encore : « Trump ne gagnera pas les élections, c’est un clown ! » Ses travaux et ses connaissances sur les hommes américains lui ont valu d’être fortement sollicité par les journalistes durant la campagne présidentielle. « C’est une véritable mine d’or pour moi ! Des dizaines de journalistes m’ont contacté » s’amuse-t-il à dire. Le sociologue se penche depuis quelques années sur les  angry white men, ces hommes blancs de classe moyenne qui ont vu leur vie basculer lors de la crise  économique de 2008. Ces hommes souvent représentés comme des rednecks typiques ont été peu à peu oubliés par les politiciens de Washington. Kimmel donne l’exemple de ce fermier du centre des États-Unis qui tout d’un coup perd tout ce qu’il possède. Ses produits ne valent plus rien et la production coûte trop cher, il doit revendre sa ferme familiale pour une bouchée de pain et personne ne peut l’aider.

​

« La méritocratie, c’est nul lorsque vous êtes soudainement le perdant et non plus le gagnant »

​

Pour le sociologue, la montée en colère de ces hommes était tellement visible et étendue que personne n’y a vraiment fait attention, alors qu’un phénomène de la même envergure provenant d’une minorité aurait posé question immédiatement. Durant la présidence d’Obama, ils se sont sentis abandonnés, mis sur le ban de la société et à la colère s'est mélangé la frustration. Ils ont eu l’impression que d’autres venaient prendre leurs jobs et qu’ils recevaient plus de privilèges. Eux, ce sont les immigrés, les femmes, les homosexuels. Ces hommes se sont sentis bafoués par les politiciens qui accordent plus de droits, de sécurités, de privilèges aux autres. « La méritocratie, c’est nul lorsque vous êtes soudainement le perdant et non plus le gagnant » explique Kimmel. Dans un entretien, il pointe cette frustration grandissante face à la politique d’Obama bloquée depuis des années dans un rapport de force avec le Congrès. Le fossé entre Washington et ces hommes a continué de grandir si bien qu’aujourd’hui, l’une des raisons de la victoire de Trump est le rejet de l’establishment. Le milliardaire a pu trouver les mots pour les rassurer et les convaincre que lui seul les entendait et les comprenait. Kevin, un militant présent devant la Trump Tower à New York affirme qu’ «il [Trump] va faire bouger les choses » et qu’ « il n’aura peur de rien ! »

​

Donald Trump président, et après ?

​

La victoire du républicain calmera-t-elle la colère de ces hommes ? Un peu, probablement. Kraig Moss, un chanteur et guitariste présent à Manchester explique qu’il doit se trouver un but dans la vie. « Je voudrais éduquer les gens sur les dangers de l’héroïne, aller dans les écoles et continuer de jouer de la musique » poursuit-il. Cet  ancien ouvrier dans la construction a assisté à pas moins d’une quarantaine de meeting pour motiver les supporters dans la file d’attente. Alors qu’il parcourait les États-Unis après que son fils soit décédé d’une overdose d’héroïne, le cowboy-chanteur a vu en Trump le moyen pour stopper l’afflux de drogue depuis le Mexique.

À une autre échelle, le mouvement "Marche pour l'Amérique" qui a fait plusieurs rassemblements en faveur de Donald Trump pendant la course, continue sa campagne « pacifique » pour « aider Donald Trump à lutter contre la corruption et à rendre à l’Amérique sa grandeur ».

 

Ce qui restera surtout de ces élections, c'est la polarisation extrême de la société américaine. Allan, supporter de Donald Trump militant devant la Trump Tower le constatait «Le pays n'a jamais été autant polarisé, quelle que soit l'issue de l'élection une moitié du pays sera très en colère le lendemain… Peu importe ce qu'il arrive, nous sommes séparés en deux».

​

L'avis d'un journaliste

​

Christophe Vogt est journaliste et directeur de la section francophone de l'AFP à Washington. Il partage ses observations sur les angry white men, sur le rôle des médias dans la course à la présidence et l'ombre du populisme dans l'Occident.

bottom of page